15 octobre 2015
UN COUP DE POMPE A VIDE
Rumeurs sur les carabines à pompe
Depuis quelques semaines, les forums bruissent d'une rumeur insistante à propos d'une prochaine évolution de la réglementation visant à interdire les carabines à pompe
(autrement appelés fusils à pompe à canon rayé), ou plutôt à les reclasser en catégorie B avec leurs cousins à canon lisse.
Un peu d'histoire pour commencer.
Jusqu'en 1995, l'acquisition et la détention des fusils à pompe étaient libres ; en 1995, ceux qui avaient une longueur de canon inférieure à 60 cm ou qui étaient dotés d'un
magasin de plus de 5 coups ont été classés en 4e catégorie.
L'interdiction définitive de tous les fusils à pompe résulte d'un rapport de 1998, appelé rapport Cancès, du nom de l'inspecteur général de la police qui l'a rédigé et dans
lequel il proposait les mesures suivantes, qui ne manqueront pas d'évoquer quelque chose pour les détenteurs d'armes :
- le classement en 4e catégorie de tous les fusils à pompe et de toutes les armes de poing à percussion annulaire à un coup ;
- la subordination de la vente des armes et des munitions de chasse à la présentation du permis de chasser ;
- la mise en place du fichier national des armes ;
- la réactivation de l'office central pour la répression du trafic des armes ;
- la sécurisation des armes par les particuliers ;
- la formation et la spécialisation des personnels des préfectures ;
- la formation continue des policiers et des gendarmes.
Ces mesures n'ont pas toutes fait l'objet de mise en œuvre – particulièrement les deux dernières –, et c'est bien regrettable, nous le constatons tous les jours…
Il faisait notamment état dans son rapport du fait que « 60 % des expertises effectuées à la suite d'un crime et/ou d'un délit, commis avec une arme à feu dans les banlieues
concernent des fusils à pompe ». Ce pourcentage (qui concernait en fait toutes les armes à canon lisse et pas seulement les fusils à pompe) a été utilisé abusivement pour
prétendre que 60% des crimes et des délits étaient commis avec des fusils à pompe. C'était faux, mais ce mensonge a servi à justifier le décret de 1998 qui a classé en 4e
catégorie tous les fusils à pompe qui restaient et, surtout, a conduit à considérer que, puisqu'il n'y avait pas de motif sportif à la détention des fusils à pompe, il
n'était pas possible de délivrer une autorisation de détention pour une telle arme.
Dans la foulée, les forces de l'ordre ont eu la consigne de visiter tous ceux qui avaient eu l'imprudence de déclarer détenir un fusil à pompe et de les confisquer. Cette
mesure était illégale, et elle a fini par être annulée. Des autorisations viagères ont enfin été délivrées, mais ceux qui avaient cédé ont bel et bien été spoliés, et leurs
armes sont parties pour la plupart à la destruction, les autres n'ont pas été perdues pour tout le monde…
En 2013, après avoir laissé planer l'espoir d'un classement en catégorie C de tous les fusils à pompe, l'Administration fait machine arrière et maintient les fusils à pompe à
canon lisse en catégorie B, laissant ceux équipés d'un canon rayé passer de la 5e catégorie à la catégorie C.
Plus récemment…
Un « commerçant » aurait simultanément approvisionné une bonne quantité de carabines à pompe (CAP) à look « tactical » et lancé une rumeur sur leur prochaine interdiction,
créant un buzz qui a commencé à se répandre. Puis il aurait imaginé très futé de vendre une cinquantaine de ces armes à une seule et même personne issue d'une communauté qui
n'est pas sans poser régulièrement des difficultés importantes en matière d'ordre public. Toutes ces transactions n'ont pas échappé à l'Administration, qui s'en est émue
légitimement et qui a décidé de fermer le robinet en refusant toute demande d'importation supplémentaire pour ces armes, majoritairement en provenance de Turquie.
Et maintenant, notre « commerçant », toujours aussi futé, s'est lancé dans la prophétie autoréalisatrice qui consiste à dire que toutes les CAP vont être interdites ! Il aura
au moins fait ce qu'il fallait pour !
En réalité, qu'en est-il ?
L'Administration ne souhaite pas et n'a pas de raisons de modifier la réglementation qui vient à peine d'entrer en vigueur. Seul cet achat massif susceptible d'alimenter des
réseaux ou des groupuscules dangereux est LE problème. La détention de ces armes par des chasseurs ou des tireurs sportifs qui n'ont pas encore compris que ces armes sont
pratiquement inutilisables avec autre chose qu'une balle de type slug ne pose pas de difficultés particulière.
Mais il n'est pas possible d'interdire seulement des CAP sur un critère de look « tactical » ou d'interdire l'acquisition en quantité d'armes qui sont en catégorie C… Il
n'est pas davantage possible d'interdire ces armes en calibre 12 sans interdire celles en calibre pour arme rayée utilisées par les chasseurs. Enfin, notre dernier industriel
national de l'arme de chasse vient de lancer sur le marché une CAP de calibre 12 qui évite l'inconvénient de l'effet donut (1).
Dilemme, cruels dilemme !… Espérons que la résolution de ce dilemme ne se fera pas sur le dos des détenteurs actuels de ces armes.
Le moyen juridique à la disposition de l'Administration est la rédaction d'un arrêté interministériel de classement qui classerait alors ces CAP en catégorie B-9°, avec une
éventuelle limitation aux CAP de capacité supérieure à 2+1 coups (2) pour ne pas « trop » léser les chasseurs. Cet arrêté entraînerait automatiquement l'attribution
d'autorisations « modèle 13 » (aussi appelées viagères) à tous ceux qui détiendraient ces armes antérieurement à sa parution, conformément aux dispositions existantes de la
réglementation. Dans ce cas, il ne pourrait pas y avoir de spoliation comme en 98 !
En attendant, à l'heure ou nous écrivons, il n'y a pas le début d'une ébauche de projet de décret ou d'arrêté de classement des CAP.
Restons vigilants et n'oublions pas à l'occasion de remercier le commerçant qui a été prêt à vendre tous les détenteurs de CAP (dont ses clients appâtés par l'annonce d'une
interdiction prochaine), non pas pour un plat de lentilles mais pour le profit d'une palette de CAP.
(1) - l'effet donut est une répartition de la grenaille (petit plomb comme chevrotines) tirée dans une CAP sous forme d'une auréole dès les cinq premiers mètres, avec une
absence presque totale de projectiles dans le centre, à cause de l'effet centrifuge provoqué par la rayure hélicoïdale du canon.
(2) - la capacité maximale actuelle des CAP de catégorie C est de 10+1.
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