24 février 2015
Décrets, entre le fantôme et l'arbitraire
Nouveau décret ? Nouveau prétexte !
Il se passe souvent des choses étranges au pays des Droits de l'Homme... La loi et la réglementation sont à géométrie variable.
Imaginez-vous que des citoyens de notre bonne République française n'aient plus tous les mêmes droits... La chienlit, nous direz-vous ? Eh bien c'est exactement ce qui est en train d'arriver !
Les derniers événements nous concernant font état de trois préfectures et de deux collectivités territoriales qui ont une irrépressible et soudaine envie de liberté d'expression (voire d'autonomie !) et qui transforment cette liberté d'expression en liberté de légiférer. Rien que ça!
Ainsi, les préfets des départements de l'Yonne, du Haut-Rhin et de la Loire s'expriment actuellement librement et mettent en avant un prétendu nouveau décret à venir pour refuser toute nouvelle demande d'autorisation, voire tout renouvellement. Le décret fantôme aurait-il donc frappé ?
Un nouveau décret ? Tiens donc ! On avait déjà entendu cette rumeur infondée à l’occasion de la pitoyable émission bidonnée de M6 sur les armes. On aurait aimé à cette occasion une réaction de Monsieur Coste, du Comité Guillaume Tell, supposé défendre les deux millions – au moins ! – de détenteurs d'armes, mais les spots des caméras qu'il affectionne tant ont dû l'aveugler, au point de rester inerte et sans réaction face au piège dans lequel son intervieweur l’a fait tomber en quelques mots, puisqu’il n’est absolument pas question du moindre nouveau décret, comme semblait vouloir le dire Thierry Coste, mais simplement d'un texte destiné à permettre aux fédérations sportives d’accéder au fichier des interdits d’armes FINIADA. Si ce lapsus est le résultat de coupures au montage, ce n’est qu’un symptôme de manque de maîtrise alors que l'on se targue bien haut de tout pouvoir contrôler.
Mais en fait, peut-être nos préfets ont-ils pris ce reportage pour argent comptant ? Hélas, d'après nos adhérents locaux, les tireurs des départements susmentionnés en sont, eux, pour leur frais et reçoivent comme réponse à leurs doléances légales et légitimes une seule et même réponse : « Le préfet ne signe plus rien, il faut attendre le nouveau décret. » Ah... le nouveau décret... Oui mais lequel ? Tout le problème est là.
La situation dans le Haut-Rhin est encore plus cocasse (L'Alsace.fr, mardi 24 février 2015) :
« Le préfet a souligné qu’il y avait "trop d’armes sans permis dans le Haut-Rhin : par exemple, on estime que près de 5 000 armes de poing sont détenues sans autorisation, parfois par des collectionneurs un peu compulsifs. Mais cette circulation illégale peut représenter un danger". « "Par ailleurs, je souhaite une augmentation exponentielle des contrôles d’identité dans les véhicules, ce qui peut permettre de trouver des armes et bien d’autres choses illicites", a martelé le procureur de Mulhouse. »
Il est très malin, ce monsieur : pour piéger les fraudeurs, il durcit la loi. C'est un peu comme si on augmentait les taxes douanières pour tenter de combattre la contrebande... (Quel est le sens premier du mot « ridicule », déjà ?)
Ce qui montre encore la façon dont l'État gère de façon totalement inepte les problèmes qu'il rencontre. Ainsi, pour pallier le problème des armes de poing circulant illégalement, le préfet portera une « attention encore plus rigoureuse (...) sur les délivrances d’autorisations, les ventes par les armureries… » Bref, sur tout le marché légal, marché d'ailleurs validé par le préfet en personne puisque rappelons-le, une autorisation de détention d'arme est un document préfectoral. De là à dire que le préfet avoue avoir délivré jusqu'à présent ses autorisations n'importe comment... Mais ça, c'était avant. Maintenant, ça va roxer du poney dans les CERFA !
Un ex-soixante-huitard à l'honneur sur le plateau TV de Nouvelle Calédonie
Non, Monsieur Vincent Bouvier n'est pas un révolutionnaire maoïste, c’est tout simplement un ex-préfet du Haut-Rhin devenu haut-commissaire de Nouvelle-Calédonie. Si haut que le vertige lui en a pris ?
Fort de son intime conviction, ce monsieur a décidé un matin, entre le café et les croissants et unilatéralement, qu’il convenait de réduire de toute urgence le nombre d'armes autorisées par la Loi. Reprenant à son compte la saillie ridicule de N. Sarkozy lors de sa dernière visite en Corse, département dans lequel il y avait selon lui « trop d'armes légales ». Ainsi, M. Bouvier décide que ses « sujets » néo-calédoniens n'auront plus les mêmes droits que les autres Français. Ce haut fonctionnaire vient de réussir ce que toutes les démocraties du monde veulent éviter à tout prix : la confusion entre l'exécutif et le législatif. Dans la plupart des cas, on appelle ça une dictature. Peut-être, demain, décidera-t-il qu'il faut interdire les bicyclettes blanches pour ceux qui sont frisés...
Et voilà les tireurs locaux devenus « sous-citoyens » de la République, en proie à un décret « spécial caillou » les limitant à huit armes de catégorie B (au lieu de douze), à quatre armes des catégories C et D-1° (au lieu de ce qu'on souhaite) et à 1 000 cartouches, toutes armes confondues, quelle que soit la catégorie. Comme le dit ce triste sire – qui de toute évidence ne sait absolument pas ce qu'est un entraînement, une compétition de tir, de TSV ou de hunter, par exemple, et les contraintes que ça comporte, puisque son Administration n'a jamais pris la peine de consulter les instances du tir sportif avant de mettre en œuvre sa belle initiative : « et 1000 cartouches, c'est déjà beaucoup ».
Quant à la notion économique qui permet d’acquérir des munitions à un prix contenu quand on les achète en quantité, elle dépasse visiblement ses compétences.
De plus, alors que le décret du 5 février 2015 ajoute un article 59-1 au décret 2013-700 qui vient s'insérer dans la sous-section 4 des « dispositions transitoires » et que ce nouvel article s'applique bien à tous les détenteurs, M. Bouvier prétend, tentant maladroitement de masquer son erreur, que cet article s'adresse seulement aux mineurs. Il prétend même qu'on ne peut pas imposer un quota aux majeurs sans une modification de la loi, quand ce même article 59-1 modifie également le quota d'autorisations pour les tireurs sportifs. Tout ceci n'est qu'une démonstration télévisée de mensonge pur et simple, sinon d'incompétence caractérisée ! Monsieur Bouvier devrait relire ses cours de droit avant de prendre la parole.
Estimez-vous heureux ! La loi existe ? Pas grave, Monsieur le haut-commissaire s'en tamponne ! (Ils aiment bien les tampons, dans l'Administration.)
Le trop-plein d'armes devra évidemment être « rendu » dans un geste citoyen, nous explique le haut-commissaire. Rendu ?... Mais monsieur Bouvier sait-il qu’on ne peut « rendre » que ce qui ne nous appartient pas ? Il nous parle d’armes détenues en pleine propriété privée comme s'il elles appartenaient à l'État...
Quel déni de droit ! Relisez, Monsieur Bouvier, l'article 17 de la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen ou l’article 545 du Code civil : «Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »
Sinon, ce « trop plein d'armes » pourra aussi être vendu, nous dit-on. Mais à qui, puisqu'il n'y aura évidemment pas d'acheteurs. Si des quotas se mettent en place arbitrairement, qu'adviendra-t-il par la suite ? Rien ne dit que l'interdiction totale ne sera pas décrétée une fois qu'on aura constaté l'évidence que la mise en place de quotas réduits est inefficace. Ou alors, le haut-commissaire, dans un souci d'égalité fraternelle, aura décidé sans l'annoncer encore que tous les Calédoniens « trop armés » allaient devoir vendre (ou « rendre », on ne sait plus trop) un peu de leur arsenal aux Calédoniens pas encore armés.
Tout ceci est évidemment un énorme nuage de fumée destiné à cacher la réalité des causes de la criminalité en Nouvelle Calédonie et, surtout, les responsabilités du gouvernement, qui a laissé les Calédoniens se ruer dans les armureries il y a quelques années sans aucun contrôle, puisqu'il n'y a pas de permis de chasser en Nouvelle-Calédonie. Ce qui interdit de limiter aux seuls détenteurs de ce permis ou d'une licence sportive l'acquisition des armes de catégorie C et D-1°. Pour des raisons vaguement électoralistes, on a laissé – voire poussé – les gens à s'armer, et maintenant on essaie de se raccrocher aux branches et de récupérer des armes pour faire « du bilan ».
On a vu ce que ça a donné aux Antilles... Comme on n'ose pas imposer un permis de chasser aux Calédoniens, malgré les nombreuses demandes des instances locales de la chasse, on se « venge » sur les tireurs et les chasseurs qui respectent la loi.
Et si on accepte cette perte de droits pour les Néo-Calédoniens, il faut se préparer à ce qu'il en soit de même à moyen terme pour le reste du territoire.
Nos gouvernants nous prennent vraiment pour des moutons !
Monsieur Bouvier, pour toutes ces inepties, nous permettez-vous, en juste et équitable retour des choses, de vous suggérer de « rendre » votre nomination ?
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